19 mars 2015 1er anniversaire d’abstinence
Un anniversaire, c’est la date, dans l’année, à laquelle un événement est survenu. Cet événement, c’est pour moi l’arrêt d’une prise anormale d’un produit toxique et malveillant : l’alcool.
Difficile de donner la date du premier verre…
Ce que je sais, c’est que le piège alcool s’est refermé sur moi sans que je m’en rende vraiment compte. Une obsession rituelle et sournoise chaque soir, qui augmentait peu à peu la dose du poison. Lorsque je pris conscience de mon addiction, il était déjà trop tard. « Qu’importe, je saurai réagir, je m’arrêterai quand je le voudrai », pensais-je. Mais chaque matin au réveil je ressentais ce même sentiment de culpabilité, de faiblesse, de dégoût envers moi-même, devant cette promesse faite la veille et non tenue : « ce soir, c’est mon dernier verre »…
Prendre conscience de mon état était déjà une lueur d’espoir. J’entrepris des démarches pour me faire aider : médecins, psychologue, entretiens à l’hôpital… Je cherchais surtout le médicament miracle, la potion magique qui me permettrait d’arrêter cette déchéance programmée sans m’impliquer vraiment. La solution facile, en quelque sorte. Mais l’espoir n’était pas dans la pharmacopée. Les traitements n’ont rien donné.
Plusieurs années ont passé...
« Les groupes d’entraide seraient pour toi des alliés essentiels » me dit-on… Après tout, je n’avais rien à perdre en tentant l’expérience ; J’entrepris les recherches près de chez moi pour trouver une adresse adéquate. Cela prit encore beaucoup de temps puis, le 11 février 2014, lassé par tant de tergiversations, je me décidai enfin : « J’y vais ! »
Réunion à 20h30. En suivant les pancartes « AA » placées près du chemin caillouteux, je poussai la porte d’une salle paroissiale de de Saint Maurice à Courbevoie… « Inattendu dans ce cadre ! » pensai-je. L’accueil simple, chaleureux, très convivial me mit en confiance. Une chaise m’est tendue. Boissons, gâteaux et bonbons étaient à disposition.
Une douzaine de personnes composent l’assemblée. Je me souviens avoir été surpris par ces visages ni défaits, ni déformés, ni alourdis par l’alcool, comme je l’avais craint.
Un thème est abordé. Chacun prend la parole à tour de rôle ; Les discours sont francs, nets, précis autour de la table. J’écoute attentivement. À la fin du tour de table on me donne la parole pour me présenter et expliquer ma démarche : abandonner l’alcool, ce poison, chercher un rétablissement moral et physique au sein de l’association Alcooliques Anonymes.
On me remet une enveloppe avec différentes brochures, dont une en particulier : jaune, avec les numéros de portable de 2 membres en cas de besoin : une marque de confiance bienveillante à mon égard.
Au fil des réunions j’apprends ce que sont le partage, l’écoute, la parole. C’est mon médicament hebdomadaire. Pouvoir parler autour d’une table, en toute confiance et sécurité, de de la même détresse que la sienne, ne pas ressentir de jugement porté par les autres membres du groupe à son encontre, voilà qui donne confiance.
Respecter les règles, l’anonymat, les douze traditions, les douze étapes, recevoir l’expérience des anciens : c’est le plan à appliquer, indispensable à mon rétablissement.
J’appris aussi qu’il ne fallait pas projeter trop loin le délai d’abstinence : tenir 6 mois, 1 an, c’est long ! On me suggéra une méthode simple mais efficace pour maîtriser sa dépendance : la règle des 24 heures.
Ni hier, ni demain : juste aujourd’hui.
Les changements ont vu le jour petit à petit. Réveil plus facile, idées plus claires, moral en hausse, confiance en moi retrouvée, et cette obsession du manque de fin de journée qui s’estompe peu à peu.
Malgré tout le mal sournois est toujours présent en moi, la maladie demeure et peut ressurgir à tout moment. Aussi, la vigilance reste de rigueur, impérativement. C’est le plus sûr moyen de fêter, je l’espère, mon second anniversaire d’abstinence au prochain mois de mars.
Je ressens aujourd’hui une tendresse particulière pour mes amis de réunion, d’un groupe fort, collectif et intelligent.
Je les remercie de leur écoute.
Un ami alcoolique.